Vendredi 6 mai, 2h45 (Gabriel)

Cela fait deux nuits que je dors mal.

Je dors très souvent mal. Trop peu. Par morceau. Parait que ça vient (ou pas) avec l'âge.

Mais là, je dors plus mal.

La nuit passée, peut-être parce que Françoise et moi savions avec une quasi-certitude que le gynéco allait lui annoncer la chimio.

Cette nuit, Françoise et moi savons qu'elle va avoir de la chimio.

Et je dois avouer que j'ai plus peur aujourd'hui de cette chimio que du cancer lorsqu'elle me l'a annoncé.

J'ai peur de la voir souffrir et de ne pas savoir comment réagir. J'ai peur de ne pas pouvoir supporter de la voir souffrir.

Qu'est ce que j'aimerais qu'on puisse échanger nos places pour quelques mois.

Il y a quelques années, une mamie de 91 ans (je n'ai rien contre les mamies. A mon âge, je pense que plein de petits jeunes  m'ont déjà rangé dans la catégorie des papis) m'a envoyé en l'air avec sa voiture 💥. Comme à mon habitude, j'ai appelé Françoise pour lui dire "Mon cœur, je suis dans l'ambulance mais je vais bien 👌".

"Même pas mal !"

Mais ça a duré quelques mois avant que je ne remarche et je le sens encore tous les jours.

Mais je resigne demain pour un tour.

Françoise m'a dit que je devrai lui dire quand elle sera trop égoïste.

Là, c'est moi qui lui dis que je serais égoïste en prenant sa place. Parce que j'ai moins peur d'avoir mal que de la voir avoir mal et de ne rien pouvoir faire.

Voilà, vous le savez.

Zut ! Elle aussi le sait. M'en fous ! Elle peut tout savoir. Je l'aime.

Paraît qu'écrire exorcise la peur.

Cela dit, comme je le serine à Françoise, one day at a time (pour les non-anglophones : un jour à la fois).

Bonne journée